mercredi 19 août 2009

Le boycott culturel, comment?



Initiative palestinienne pour le boycott universitaire et culturel d’Israël (PACBI), le 20 juillet 2009



Depuis avril 2004, le PACBI a appelé intellectuels et universitaires du monde entier à « boycotter complètement et systématiquement toutes les institutions universitaires et culturelles israéliennes, en contribution à la lutte pour stopper l’occupation, la colonisation et de système d’Apartheid d’Israël » [1].

En 2006, une majorité décisive des travailleurs culturels Palestiniens, dont la majorité des cinéastes et artistes, soutenue par des centaines d’acteurs culturels internationaux, a appelé tous les artistes et cinéastes de bonne foi à rejoindre le boycott culturel institutionnel contre Israël [2]. En réponse, un artiste et écrivain britannique renommé, John Berger, a publié une déclaration soutenue par des dizaines d’artistes internationaux, d’écrivains et de réalisateurs de premier plan, appelant leurs collègues à donner partout leur aval à l’appel palestinien au boycott culturel [3].

Dans l’esprit et la logique de ce boycott culturel, le 8 mai 2008, dans une demi-page de publicité dans International Herald Tribune sous le titre « Pas de raison de célébrer », des dizaines de personnalités culturelles – dont Mahmoud Darwish, Augusto Boal, Ken Loach, André Brink, Ella Shohat, Judith Butler, Vincenzo Consolo, Ilan Pappe, David Toscana et Aharon Shabtai – ont signé une déclaration en réponse aux célébrations mondiales du « 60eme anniversaire » d’Israël, qui disait [4] :

« Il n’y a pas de raison de célébrer ! Israël, à 60 ans, est un Etat qui nie encore aux réfugiés Palestiniens leurs droits approuvés par l’ONU, seulement parce qu’ils sont ‘non-Juifs’. Il occupe toujours illégalement des terres Palestiniennes et d’autres terres arabes, en violant de nombreuses résolutions de l’ONU. Il viole encore grossièrement chaque jour la loi internationale et enfreint les droits humains fondamentaux avec l’impunité que lui confère le soutien économique, diplomatique et politique des USA et de l’Europe. Il continue de faire subir une discrimination institutionnalisée à ses propres citoyens Palestiniens.

La campagne de boycott culturel contre l’Apartheid d’Afrique du Sud a été une source majeure d’inspiration pour formuler les appels et les critères palestiniens au boycott. Dans ce contexte, l’argument clé avancé par le régime Sud Africain et ses apologues dans le monde contre la campagne culturelle et sportive anti-Apartheid – que le boycott viole la liberté d’expression et l’échange culturel – fut réfuté résolument par le directeur du Centre Contre l’Apartheid de l’ONU, Enuga S. Reddy, qui écrivit en 1984 [5] : « Il est bien bizarre, pour le moins, que le régime sud-africain qui refuse toutes les libertés … à la majorité africaine … devienne le défenseur de la liberté des artistes et des sportifs du monde entier. Nous avons une liste de gens qui ont joué en Afrique du Sud par ignorance de la situation, par attrait financier ou par indifférence sur le racisme. Il faut les persuader de cesser de distraire l’Apartheid, de cesser de profiter de l’argent de l’Apartheid et de cesser de servir aux besoins de propagande du régime d’Apartheid ». Pareillement, le boycott culturel palestinien appelle à cibler les institutions culturelles, les projets et événements qui continuent à servir les objectifs du régime colonial et d’Apartheid israélien.
Pendant 5 ans de travail intense avec des partenaires de plusieurs pays pour promouvoir le boycott culturel contre Israël, PACBI a examiné de très près des dizaines de projets et d’événements culturels, estimé la pertinence des critères du boycott culturel et publié par conséquent des lettres ouvertes, des déclarations et des opinions à leur égard. Les deux conclusions principales sur ce sujet furent : (a) beaucoup de ces événements et projets tombent dans une zone grise, incertaine, qu’il est difficile d’évaluer et (b) le boycott doit cibler non seulement les institutions complices mais aussi leurs liens internes intrinsèques et organiques qui reproduisent la machine de domination coloniale et d’Apartheid. Sur la base de cette expérience et pour répondre à la demande en plein essor à PACBI pour des directives spécifiques dans l’application du boycott culturel de divers projets, festivals cinématographiques, expositions, représentations musicales ou de danse, conférences, la Campagne expose ci-dessous des critères non-ambigus, permanents et cohérents et des lignes directrices qui traitent des nuances et des particularités du domaine culturel.
Ces critères ont surtout pour but d’aider les travailleurs culturels et les organisateurs dans le monde à adhérer à l’appel palestinien au boycott, une contribution vers l’établissement d’une paix juste dans notre région.

Critères du boycott culturel

Dans tout ce qui suit, « produit » indique des produits culturels, tels que des films et d’autres formes d’art ; « événement » se réfère aux festivals de films, conférences, expositions, spectacles de danse et musicaux, tournées d’artistes et d’écrivains, entre autres activités.
Avant de discuter des différentes classes de produits et d’événements culturels et comme règle primordiale pratiquement toutes les institutions culturelles israéliennes, sauf preuve du contraire, sont complices du maintien de l’occupation israélienne et du déni des droits élémentaires palestiniens, par leur silence ou par une implication réelle pour justifier, blanchir ou écarter délibérément l’attention des violations de la loi internationale et des droits humains par Israël. En conséquence, ces institutions, tous leurs produits et tous les événements qu’elles sponsorisent ou soutiennent doivent être boycottés. Les événements et projets impliquant des individus représentant explicitement ces institutions complices devraient être boycottés du même coup.

Les critères qui suivent peuvent ne pas tout couvrir et certainement, n’anticipent, ne remplacent ou n’évacuent pas d’autres arguments sensés pour le boycott, particulièrement quand un projet culturel ou un événement justifie, prêche ou promeut les crimes de guerre, la discrimination raciale, l’Apartheid, la suppression de droits fondamentaux et des violations sérieuses de la loi internationale.

De ce qui précède, le boycott culturel palestinien contre Israël s’applique aux situations suivantes :
(1)Le produit culturel est commissionné par un organisme israélien officiel Tous les produits culturels commissionnés par un organisme israélien officiel (ministère, municipalité, ambassade, consulat, fond du cinéma public ou d’Etat, etc.) méritent d’être boycottés sur une base institutionnelle, car ils sont commissionnés et financés par l’Etat d’Israël – ou une de ses institutions complices – spécialement pour aider la propagande d’Etat ou ses efforts de « reconditionnement » destinés à diluer, justifier, blanchir ou divertir l’attention de l’occupation israélienne et des autres violations des droits palestiniens et de la loi internationale. Mais ce niveau de complicité explicite est souvent difficile à estimer, car l’information sur ce commissionnement direct peut être difficilement disponible voire intentionnellement caché.
(2)Le produit est financé par un organisme israélien officiel, mais pas commissionné (pas de liens politiques)
Le terme « liens politiques » se réfère ici spécifiquement aux conditions qui obligent un fond bénéficiaire à servir directement ou indirectement le gouvernement israélien dans ses efforts de propagande ou de « reconditionnement ». Les produits financés par des organismes israéliens officiels – tels que décrits dans la catégorie (1) ci-dessus – mais non commissionnés, donc sans liens politiques, ne sont pas sujettes au boycott en tant que telles. Les produits culturels individuels recevant des fonds d’Etat dans le cadre des droits du travailleur culturel individuel en tant que citoyen contribuable, sans qu’il/elle soit tenu de servir les intérêts politiques et PR ( ?) de l’Etat, ne sont pas boycottables selon les critères de PACBI. Cependant, accepter de tels liens politiques transformerait clairement le produit culturel ou l’événement en une forme de complicité, et en en faisant une contribution aux efforts d’Israël pour blanchir ou obscurcir sa réalité coloniale et d’Apartheid, le rendrait boycottable.
Tandis qu’une liberté individuelle d’expression, particulièrement d’expression artistique, devrait être complètement et constamment respectée dans ce contexte, un artiste individuel, cinéaste, écrivain, etc., israélien ou non, ne peut être exempté d’être sujet de boycotts que des citoyens conscients autour du monde (au-delà du domaine des critères de boycott de PACBI) peuvent appeler en réponse à ce qui est largement perçu comme un acte ou une déclaration particulièrement offensants du travailleur culturel en question (incitation directe ou non à la violence ; justification – une forme indirecte de publicité – de crimes de guerre ou d’autres violations de la loi internationale ; calomnies racistes ; participation à des violations des droits humains ; etc.). A ce niveau, les travailleurs culturels israéliens ne devraient pas être exemptés automatiquement de critiques justifiées ni de toute forme légale de protestation, y compris le boycott ; ils doivent être traités comme tout autre délinquant du même genre, ni mieux ni pire.
(3) L’événement est sponsorisé partiellement ou complètement par un organisme officiel israélien
Le principe général est qu’un événement ou projet effectué sous le parrainage ou l’égide de, ou en affiliation avec un organisme israélien officiel constitue une complicité et mérite par conséquent le boycott. Il est aussi bien connu que les artistes, écrivains (,etc.) israéliens sollicitant une subvention d’Etat pour couvrir les coûts de participation à des événements internationaux (les leurs ou ceux des produits culturels) doivent accepter de contribuer aux efforts de propagande officiels d’Israël. A cette fin, le travailleur culturel doit signer un contrat avec le MAF israélien l’obligeant à « s’engager à agir fidèlement, incessamment et responsablement pour rendre au Ministère les meilleurs services professionnels. Le fournisseur du service sait que l’objectif de demandes de services de sa part est de promouvoir les intérêts politiques de l’Etat d’Israël par la culture et l’art, ce qui inclut de contribuer à la création d’une image positive pour Israël » [6].
(4) Le produit n’est ni financé ni sponsorisé par un organisme israélien officiel.
Sauf à violer les critères précédents, en l’absence d’un parrainage israélien officiel, le produit individuel d’un travailleur culturel israélien n’est pas boycottable en tant que tel, indépendamment de son contenu ou de ses mérites.
(5) L’événement ou le projet promeut une fausse symétrie ou « équilibre »
Les événements culturels et projets impliquant des Palestiniens et/ou des Arabes et Israéliens pour promouvoir un ‘équilibre’ entre les ‘deux côtés’ dans la présentation de leurs narratifs respectifs, comme des égaux, ou qui sont basés sur les fausses prémisses d’une égale responsabilité dans le « conflit » des colonisateurs et des colonisés, des oppresseurs et des opprimés, sont volontairement trompeurs, intellectuellement malhonnêtes et moralement répréhensibles. De tels événements et projets, qui cherchent souvent à encourager le dialogue ou la « réconciliation entre les deux côtés » sans traiter des exigences de justice, font la promotion de l’oppression et de l’injustice. Tous ces événements et projets qui amènent des Palestiniens et/ou Arabes et des Israéliens ensemble, sauf s’ils sont conçus explicitement en opposition à l’occupation et aux autres formes d’oppression des Palestiniens, sont de forts candidats au boycott. Les autres facteurs que PACBI prend en considération en évaluant de tels événements sont les sources de financements, la structure du programme, les objectifs et le(s) organisation(s) contributrices, les participants et autres facteurs pertinents.


Références :
[1] http://www.pacbi.org/etemplate.php ?id=869
[2] http://www.pacbi.org/etemplate.php ?id=315
[3] http://www.pacbi.org/etemplate.php ?id=415
[4] http://www.pngo.net/data/files/english_statements/08/PNGO-THT-HP5208(2).pdf
[5] http://www.anc.org.za/un/reddy/cultural_boycott.html
[6] http://www.haaretz.com/hasen/spages/1005287.html
Traduction JPB
Palestinian Campaign for the Academic and Cultural Boycott of Israël (PACBI

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