Reprenant une dépêche de l’Agence France-Presse du 4 septembre, Romandie News titre :
« Le ministre israélien de la Défense Ehud Barak a protesté vendredi contre la décision du fonds de pension public norvégien, l’un des plus gros fonds souverains au monde, de se retirer d’un groupe électronique israélien. “Le ministre de la Défense s’est entretenu avec le ministre norvégien des Affaires étrangères (Jonas Gahr Stoere) pour lui exprimer son mécontentement à la suite de la décision du fonds norvégien concernant Elbit”, a indiqué un communiqué du ministère de la Défense. Selon le communiqué, le ministre norvégien a expliqué qu’il s’agissait “d’un fonds privé et que le gouvernement norvégien n’a aucun pouvoir sur lui”.
Ce fonds est géré par la banque centrale norvégienne. Les décisions d’exclure ou de réintégrer une société dans la liste des sociétés destinataires de ses investissements sont prises par le ministère des finances sur la base de recommandations faites par un Conseil (consultatif) d’éthique". La société Elbit est accusée d’avoir fourni un système de surveillance pour la barrière de séparation israélienne, déclarée illégale par la Cour internationale de justice en 2004.
(...)
Premier investisseur sur les Bourses européennes, le fonds pétrolier norvégien —comme il est plus communément connu parce qu’il est alimenté par les recettes pétrolières de l’Etat norvégien— pesait 2.385 milliards de couronnes (277 milliards d’euros) en actions et obligations internationales fin juin. »
Une dépêche de l’agence Reuters reprise sur lepost.fr le 4 septembre sous le titre « La Norvège adhère à la campagne d’embargo contre Israël pour violation du droit humanitaire. » précise :
« “Nous ne souhaitons pas financer des entreprises qui contribuent de manière aussi directe à des violations du droit humanitaire international”, a déclaré la ministre norvégienne des Finances, Kristin Halvorsen. Elle a déclaré que la liberté de mouvement des Palestiniens avait été “restreinte de manière inacceptable” par la barrière de séparation, dont Israël défend la construction pour se protéger du risque d’attentats suicides. La Cour internationale de justice a statué que ce mur enfreignait la quatrième convention de Genève et “les autorités norvégiennes ont agi en accord avec cela”, a ajouté Halvorsen. »
Cette condamnation du mur est d’autant plus importante que le jugement de la cour s’est heurté au sein des autorités françaises à de nombreuses réticences (« La France contre la Cour internationale de justice »).
Cette position, déjà évidente sous la présidence de Jacques Chirac s’est maintenue comme on a pu le voir avec la visite à Bethléem de Valérie Hoffenberg, « représentante spéciale de la France pour la dimension, culturelle, commerciale, éducative et environnementale du processus de paix au Proche-Orient » par ailleurs directrice pour la France de l’American Jewish Committee (AJC), une des organisations juives américaines connues pour leur soutien inconditionnel à Israël. (Lire Gilles Paris, « Un parc industriel franco-palestinien lancé à Bethléem », lemonde.fr, 3 septembre). Selon le journaliste du Monde « Mme Hoffenberg juge ainsi qu’elle (la barrière dite de sécurité, c’est à dire le mur) est « bienvenue si elle a permis de ramener la confiance entre Israéliens et Palestiniens ». Qu’importe pour la représentante de la France, les décisions de la Cour internationale de justice...
Peut-on faire appliquer le droit international en Palestine, malgré la passivité de nombre de gouvernements occidentaux ? Il semble que oui si l’on en croit ces quelques exemples.
Ainsi, un fonds d’investissement américain s’est retiré du fonds Leviev qui travaille dans les colonies (lire « BlackRock divests from Leviev, an ‘NYT’ advertiser (and guess who doesn’t report it, » sur le blog de Philip Weiss, Mondoweiss, 31 août 2009). Une campagne se développe contre le projet Agrexco à Sète (Christophe Payet, « Agrexco à Sète : une caution à la colonisation israélienne ? », Rue89, 22 août) et l’implication d’Alstom et Connex (Veolia), deux compagnies françaises dans la construction du tramway de Jérusalem est toujours devant les tribunaux (« Alstom et le tramway de Jérusalem ».)
Le Monde diplomatique de septembre consacre deux articles à ce thème. « Israël est-il menacé par une campagne de désinvestissement ? » par Willy Jackson ; et « De Gaza à Madrid, l’assassinat ciblé de Salah Shehadeh » par Sharon Weill (ces articles ne sont pas disponibles en ligne, mais le numéro est en vente dans tous les bons kiosques :-) ).
Le débat sur ces questions n’est pas nouveau, mais il semble que, de plus en plus de voix dans les sociétés civiles se prononcent en faveur de sanctions et du boycott contre Israël, un peu sur le modèle de l’Afrique du Sud.
Le récent débat autour du texte du militant pacifiste israélien Uri Avnery montre toutefois qu’il n’est pas totalement tranché. Son texte, « Tutu’s prayer » le prouve – traduction française : « La prière de Tutu- Une réponse à Neve Gordon » :
« La question du boycott est revenue à l’ordre du jour cette semaine suite à la parution d’un article du Dr. Neve Gordon dans le Los Angeles Times (version française ici), appelant à un boycott international d’Israël. Il a donné l’exemple de l’Afrique du Sud pour montrer comment un boycott d’envergure mondiale pourrait obliger Israël, qu’il compare au régime de l’apartheid, à mettre fin à l’occupation.
Je connais et respecte Neve Gordon depuis de nombreuses années. Avant de devenir maître de conférences à l’Université Ben Gourion à Beersheba, il a organisé plusieurs manifestations contre le mur de séparation dans la région de Jérusalem, auxquelles j’ai également pris part.
(...)
En Afrique du Sud, un accord total existait entre les deux côtés au sujet de l’unité du pays. La lutte concernait le régime. Les blancs et les noirs se considéraient tout autant sud-africains et étaient déterminés à garder le pays intact. Les blancs ne souhaitaient pas la partition, et d’ailleurs ils ne pouvaient pas la vouloir puisque leur économie était basée sur le travail des noirs.
Dans ce pays, les Juifs israéliens et les Arabes palestiniens n’ont rien en commun : pas de sentiment national commun, pas de religion commune, pas de culture commune et pas de langue commune. La grande majorité des Israéliens veulent un État juif (ou hébreu). La grande majorité des Palestiniens veulent un État palestinien (ou islamique). Israël ne dépend pas des travailleurs palestiniens ; au contraire, il pousse les Palestiniens à quitter leurs lieux de travail. A cause de tout cela, il existe aujourd’hui une unanimité internationale sur le fait que la solution se trouve dans la création d’un État palestinien à côté d’Israël.
En résumé, les deux conflits sont fondamentalement différents. Ainsi, la méthode de lutte doit aussi être nécessairement différente. »
Kim Petersen lui répond dans un texte traduit en français sous le titre « Les boycotts, un moyen légitime de résistance-Une réponse à Uri Avnery ».
Naomi Klein, l’auteure de La Stratégie du choc (Actes Sud), soutient aussi la campagne BDS (boycott, sanctions, désinvestissement), et explique qu’il ne s’agit pas de boycotter les Israéliens (elle est allée là-bas pour présenter son livre aux Palestiniens et aux Israéliens), mais de ne pas agir comme si la situation là-bas était « normale ». (Lire « Naomi Klein Shows You Can Boycott Israel Without Cutting Off Dialogue Over Palestine », Cecilie Surasky, Alternet, 1er septembre).
Signalons aussi l’intervention d’Omar Bargouthi, coordonnateur de la campagne BDS, le 30 août, à l’université d’été du Nouveau parti anticapitaliste. Je joins la traduction du texte en français.
Enfin, un petit rappel historique. Au printemps 1965, Jean-Paul Sartre annula des conférences qu’il devait prononcer à l’université de Cornell pour protester contre les bombardements américains contre le Vietnam du Nord et contre l’absence de réaction de l’opinion américaine à cette agression.
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